De branche en branche – Partie 40

Conseils des lecteurs
L’un des magazines brésiliens étudiés ne comporte pas cette rubrique ; les conseils des lecteurs doivent donc logiquement être moins nombreux au Brésil qu’en France.
En revanche et compte tenu de la taille des magazines brésiliens et de la quantité globale des informations, les magazines brésiliens ont, proportionnellement à cette masse d’informations, publié plus de « conseils de lecteurs aux lecteurs » que les magazines français.
Dans les deux pays, les sujets abordés dans ces « conseils des lecteurs aux lecteurs » étaient essentiellement la conservation et le conditionnement des aliments et les astuces pour amener les enfants à accepter de manger plus souvent certains aliments, en particulier les légumes.
Le refus de la part des enfants, à partir de l’âge pré-scolaire, de manger des légumes est un fait bien connu des spécialistes et très discuté. Les points de vue, ainsi que les remèdes proposés sont très divergents. Certains voient dans ce rejet la survivance d’un vieil instinct de conservation, les légumes ayant été considérés dans le passé comme des vecteurs de poisons. D’autres y voient seulement une répulsion à l’égard de la consistance et du goût de ces aliments. D’autres enfin y dénoncent l’effet d’un manque d’éducation alimentaire qui devrait commencer dès le début de la diversification alimentaire.
Les explications sont donc diverses, mais le fait reste que les enfants spécialement dans les milieux sociaux où l’offre de nourriture est abondante, n’aiment pas les légumes.
La publicité donnée par les médecins, les nutritionnistes, les professionnels de la santé et, bien sûr, par les médias, à l’importance des légumes dans une « alimentation saine » contribue, d’une part, à donner une image négative des enfants et, d’autre part, à exercer une sorte de pression sociale sur les parents, les enfants et les patients concernés.
Parmi les astuces suggérées pour venir à bout de cette résistance enfantine, il en est de surprenantes dans leur radicalité, comme celle qui propose des recettes gastronomiques de manière à dissimuler la présence des légumes qui passeraient en quelque sorte en fraude. C’est faire bien peu de cas du respect dû à l’enfant jusque dans ses choix alimentaires. Il faudrait parler aussi de l’exemple parental. Et puis, quoi ? Parmi tant de légumes existants, les brocolis et les épinards sont-ils à ce point indispensables ? Les médias aussi renforcent l’image de la difficulté de consommation des légumes de la part des enfants.
Comme toujours, les médias se chargent de propager et d’amplifier cette image de l’enfant récalcitrant devant les légumes, ne serait-ce que par le canal de ces « conseils des lecteurs aux lecteurs » qui en parlent à longueur d’année. Ils se communiquent ainsi une manière de consolation puisqu’ils constatent que le même problème se pose dans toutes les familles. Ils cherchent aussi à le résoudre par l’échange de leurs expériences.
Certains de ces « conseils » sont assez étranges, parfois même dangereux comme celui de cette maman qui nous apprend que sa fille mange des betteraves et qu’elle (la maman, bien sûr) fait ensuite de la gelée avec l’eau de cuisson. Il est important considérer que l’eau de cuisson de tubercules (ou de racines) peut contenir des quantités indésirables de nitrates.[1] En analysant le contenu des conseils diffusés, nous avons pu remarquer que certains véhiculent des informations à caractère dangereux.
On ne saurait suivre ce conseil sans risques : Quelle est l’origine de ces betteraves ? Ont-elles été manutentionnées de façon hygiénique ? Dans quel état se trouvait l’eau après la cuisson ? Etc.
On espère que la maman qui aura eu l’idée de suivre cette suggestion a pris soin de bien nettoyer les betteraves avant de les mettre dans l’eau et de réutiliser cette eau pour en faire de la gelée. Il reste que c’était une curieuse idée que de proposer une telle recette, comme si la consommation d’eau de cuisson de betteraves était pour tous d’une importance capitale. Un autre lecteur (ou lectrice) suggérait de mettre de l’essence d’eucalyptus dans le stérilisateur de biberons et de procéder à l’opération dans la chambre du bébé afin d’aider celui-ci à mieux respirer. S’était-elle souciée de savoir si un tel procédé est autorisé eu égard aux normes de sécurité de ce type d’appareils ?
Les conseils distribués ainsi par les lecteurs peuvent paraître anodins, mais ils peuvent aussi conduire à des gestes inadéquats, voire dangereux. Aussi serait-il bon que ces informations fussent révisées par les éditeurs, ce qui ne semble pas être le cas.
Il est vrai, par ailleurs, qu’on ne suit pas toujours les recommandations des professionnels ou des organismes compétents. Du moins, est-on en droit d’attendre que les informations diffusées auprès du grand public soient en harmonie avec ces recommandations autorisées.
Les diffuseurs des informations grand public ne doivent pas ignorer à la suite de quelles procédures les organismes compétents décident la promulgation des « normes » de santé publique. Quant ils conseillent la consommation de fruits et de légumes ou quand ils imposent l’administration d’un vaccin, il ne s’agit pas d’une simple décision politique. Cette mesure fait suite à une longue série d’études scientifiques les plus diverses dont les résultats amènent les professionnels à adopter une stratégie de nature à améliorer l’état de santé et la qualité de vie de toute une population.
C’est en ignorant les conditions dans lesquelles sont prises les mesures visant à améliorer la santé publique, qu’on en arrive à émettre et à propager des idées telles que : « Les vaccins devraient être interdits » ou : « La vaccination obligatoire n’a d’intérêt que pour l’Etat et pour l’industrie qui les produit », affirmations qui vont à l’encontre des efforts fournis par les chercheurs et les services officiels dans la lutte contre les maladies et dans l’espoir de les éradiquer.
C’est pourquoi toute communication destinée au grand public devrait être sérieusement pesée et contrôlée.
[1] Les nitrates sont des composés chimiques faits d’azote et d’oxygène. On les trouve à l’état naturel dans certains légumes, dans les viandes en conserve et dans le sol. Il y en a aussi dans les engrais commerciaux et les déjections animales. Les nitrates sont nécessaires à la croissance des végétaux mais leur présence excessive dans le sol peut contaminer les sources d’alimentation en eau et soulever des préoccupations pour la santé.
Juliana T. Grazini dos Santos – Docteur en Information et communication, Nutritionniste, Créatrice de Verakis.
Ceci est le quarantième chapitre de la “saga” qui raconte “les fondations” de Verakis.
Lisez les chapitres antérieurs:
https://verakis.com/de-branche-en-branche-verakis-partie-38/
Source: Ma thèse de doctorat: “La science de la nutrition diffusée au grand public en France et au Brésil – Le cas de l’alimentation maternelle infantile. Thèse dirigée par Baudouin JURDANT
Imagem: Julia Ardaran